Description
Connaissez-vous Shitao ? Ce moine boudd- histe, étonnant esprit libre, membre d’un groupe d’artistes surnommé « les huit ex- centriques , a révolutionné la peinture traditionnelle chinoise au XVIIe siècle. Loin de l’académisme de la Cour Impériale où l’on cherchait à reproduire les sujets le plus fidèlement – et le plus « sagement » – possible, Shitao prône l’expression de la personnalité de chaque artiste. Pour l’artiste, c’est l’in- tellect qui commande ! « Du moment que l’esprit s’en forme d’abord une vision claire, le pinceau ira jusqu’à la racine des choses ». Une leçon qui n’a pas pris une ride et qui apporte un éclairage toujours actuel sur les notions d’inspiration et de spontanéité. S’il a abordé de nombreux sujets, Shita est surtout réputé pour ses paysages qui reflètent sa vision du monde qui l’entoure. Dans « Propos sur la peinture du moine Citrouille- Amère » (son surnom bouddhiste), un traité toujours considéré comme fondamental de la peinture chinoise, il livre son secret pour les réussir : le peintre doit rendre « l’élan intérieur » de la nature, expliquant : « Quand le poignet est animé par l’esprit, fleuves et montagnes livrent leur âme ! ».
Ce fin lettré a longuement réfléchi sur l’opposition entre deux des thèmes incontournables des paysa- gistes, la Mer et la Montagne, qu’il oppose, « La Mer peut manifester une âme ; la Montagne peut véhicu- ler un rythme », mais qu’il associe également, expli- quant que chaque environnement peut exprimer des caractéristiques propres à l’autre : le jaillissement et le déferlement pour la Mer, l’immensité et la profon- deur pour la Montagne, précisant : « Mais ce ne sont pas l’âme que manifestent la Mer et la Montagne elles- mêmes, seulement des qualités qu’elles s’approprient. Et l’homme a des yeux pour le voir ». Marcel Proust ne disait pas autre chose, affirmant : « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». Et le talent de l’artiste à exprimer cette vision sur la toile ou le papier.
Gabrielle Gauthier gg@arts-magazine-int.fr
