Description
Savoir voir, le premier talent d’un artiste
Pour Edgar Degas, « Le dessin n’est pas la forme, il est la manière de voir la forme ». Le maître impressionniste, qui a fait de la danse son sujet de prédilection, souligne ainsi l’im-portance de l’observation dans l’art. Cette « manière de voir » va au-delà de la première impres-sion. Pour ses tableaux de ballerines, Degas a passé des heures dans le foyer de la danse à l’Opéra de la rue Le Peletier – l’Opéra Garnier n’existait pas encore –, sujet de l’une de ses toiles les plus célèbres, pour étu-dier avec attention les gestes les plus spontanés, natu-rels et anodins, moments de pause où la concentration se relâche et le corps se détend, après l’effort d’un ap-prentissage exténuant et d’une implacable rigueur. Son regard acéré se porte sur le moindre détail, jusqu’aux lattes du parquet. À ce propos, Paul Valéry, qui a consacré au peintre une exceptionnelle monographie hommage, Degas, danse, dessin, notait ainsi : « Degas est l’un des rares peintres qui aient donné au sol son importance. Il a des planchers admirables ». Ce n’est que par cette atten-tion portée à la lumière, l’ombre et la dynamique des formes que l’artiste va pouvoir interpréter son modèle, apportant sa propre perspective, son style et son émo-tion à son travail, ce qui rend chaque œuvre unique, capturant l’essence du sujet, et non sa forme extérieure seulement. C’est vrai pour les corps en mouvement ou les visages, naturellement porteurs d’émotion, mais aussi pour ces « objets inanimés » qui, comme le pen-sait Lamartine, ont une âme. Ce n’est pas un hasard si la plupart des peintres qui s’intéressent aux automo-biles choisissent plus souvent des voitures anciennes ou des véhicules de légende, bien plus évocateurs d’ex-périences, de sensations et de souvenirs. L’art n’est pas une simple imitation, mais une exploration profonde de la perception et de l’expression personnelles… qui commence par le regard.
Christian Charreyre